mardi 25 novembre 2014

Comme un beau jour du mois d'août 79...

   La destruction de Pompéi vue d'une webcam ?
C'est désormais possible, et saisissant. Une réalisation 3D qui est comme un voyage dans le temps.



L'occasion de rappeler ici le témoignage de Pline le Jeune, qui a aidé les scientifiques à comprendre ce qui s'est passé ce jour-là dans la baie de Naples... (Lettres VI, 16 et 20)


A Tacite.
Vous me priez de vous apprendre au vrai comment mon oncle [« Pline l’Ancien »] est mort, afin que vous en puissiez instruire la postérité. Je vous en remercie. (…)

Il était à Misène, où il commandait la flotte. Le 23e d'août, environ une heure après midi, ma mère l'avertit qu'il paraissait un nuage d'une grandeur et d'une figure extraordinaire. Après avoir été quelque temps couché au soleil, selon sa coutume, et avoir pris un bain d'eau froide, il s'était jeté sur un lit, où il étudiait. Il se lève, et monte en un lieu d'où il pouvait aisément observer ce prodige. Il était difficile de discerner de loin de quelle montagne ce nuage sortait. L'événement a découvert depuis que c'était du mont Vésuve. Sa forme approchait de celle d'un arbre, et d'un pin plus que d'aucun autre ; car, après s'être élevé fort haut en forme de tronc, il étendait une espèce de branche. Je m'imagine qu'un vent souterrain le poussait d'abord avec impétuosité, et le soutenait. Mais, soit que l'impression diminuât peu à peu, soit que ce nuage fût affaissé par son propre poids, on le voyait se dilater et se répandre. Il paraissait tantôt blanc, tantôt noirâtre, et tantôt de diverses couleurs, selon qu'il était plus chargé ou de cendre ou de terre. Ce prodige surprit mon oncle, qui était très savant ; et il le crut digne d'être examiné de plus près. Il commande que l'on appareille sa frégate légère, et me laisse la liberté de le suivre. Je lui répondis que j'aimais mieux étudier ; et par hasard il m'avait lui-même donné quelque chose à écrire. Il sortait de chez lui, ses tablettes à la main, lorsque les troupes de la flotte qui étaient à Rétines, effrayées par la grandeur du danger (car ce bourg est précisément sur Misène, et on ne s'en pouvait sauver que par la mer), vinrent le conjurer de vouloir bien les garantir d'un si affreux péril. Il ne changea pas de dessein, et poursuivit avec un courage héroïque ce qu'il n'avait d'abord entrepris que par simple curiosité. Il fait venir des galères, monte lui-même dessus, et part dans le dessein de voir quel secours on pouvait donner non seulement à Rétines, mais à tous les autres bourgs de cette côte, qui sont en grand nombre à cause de sa beauté. Il se presse d'arriver au lieu d'où tout le monde fuit, et où le péril paraissait plus grand ; mais avec une telle liberté d'esprit, qu'à mesure qu'il apercevait quelque mouvement ou quelque figure extraordinaire dans ce prodige, il faisait ses observations et les dictait. Déjà sur ces vaisseaux volait la cendre plus épaisse et plus chaude, à mesure qu'ils approchaient ; déjà tombaient autour d'eux des pierres calcinées et des cailloux tout noirs, tout brûlés, tout pulvérises parla violence du feu; déjà lamer semblait refluer, et le rivage devenir inaccessible par des morceaux entiers de montagnes dont il était couvert ; lorsque après s'être arrêté quelques moments, incertain s'il retournerait, il dit à son pilote, qui lui conseillait de gagner la pleine mer : « La fortune favorise le courage. Tournez du côté de Pomponianus. » Pomponianus était à Stabie, en un endroit séparé par un petit golfe que forme insensiblement la mer sur ces rivages qui se courbent. Là, à la vue du péril, qui était encore éloigné, mais qui semblait s'approcher toujours , il avait retiré tous ses meubles dans ses vaisseaux, et n'attendait pour s'éloigner qu'un vent moins contraire. Mon oncle, à qui ce même vent avait été très favorable, l'aborde, le trouve tout tremblant, l'embrasse, le rassure, l'encourage ; et pour dissiper, par sa sécurité, la crainte de son ami, il serait porter au bain. Après s'être baigné, il se met à table, et soupe avec toute sa gaieté, ou (ce qui n'est pas moins grand) avec toutes les apparences de sa gaieté ordinaire. Cependant on voyait luire, de plusieurs endroits du mont Vésuve, de grandes flammes et des embrasements dont les ténèbres augmentaient l'éclat. Mon oncle, pour rassurer ceux qui l'accompagnaient, leur dit que ce qu'ils voyaient brûler, c'étaient des villages que les paysans alarmés avaient abandonnés, et qui étaient demeurés sans secours. Ensuite il se coucha, et dormit d'un profond sommeil ; car, comme il était puissant, on l'entendait ronfler de l'antichambre.
Mais enfin la cour par où l'on entrait dans son appartement commençait à se remplir si fort de cendres, que, pour peu qu'il eût resté plus longtemps, il ne lui aurait plus été libre de sortir. On l'éveille ; il sort, et va rejoindre Pomponianus et les autres qui avaient veillé. Ils tiennent conseil, et délibèrent s'ils se renfermeront dans la maison, ou s'ils tiendront la campagne : car les maisons étaient tellement ébranlées par les fréquents tremblements de terre, que l'on aurait dit qu'elles étaient arrachées de leurs fondements, et jetées tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, et puis remises à leurs places. Hors de la ville, la chute des pierres, quoique légères et desséchées par le feu, était à craindre. Entre ces périls, on choisit la rase campagne. Chez ceux de sa suite, une crainte surmonta l'autre : chez lui, la raison la plus forte l'emporta sur la plus faible. Ils sortent donc, et se couvrent la tète d'oreillers attachés avec des mouchoirs ; ce fut toute la précaution qu'ils prirent contre ce qui tombait d'en haut. Le jour recommençait ailleurs ; mais dans le lieu où ils étaient continuait une nuit la plus sombre et la plus affreuse de toutes les nuits, et qui n'était un peu dissipée que par la lueur d'un grand nombre de flambeaux et d'autres lumières. On trouva bon de s'approcher du rivage, et d'examiner de près ce que la mer permettait de tenter; mais on la trouva encore fort grosse, et fort agitée d'un vent contraire. Là, mon oncle ayant demandé de l'eau et bu deux fois, se coucha sur un drap qu'il fit étendre. Ensuite des flammes qui parurent plus grandes, et une odeur de soufre qui annonçait leur approche, mirent tout le monde en fuite. Il se lève, appuyé sur deux valets, et dans le moment tombe mort. Je m'imagine qu'une fumée trop épaisse le suffoqua d'autant plus aisément, qu'il avait la poitrine faible, et souvent la respiration embarrassée. Lorsque l'on commença à revoir la lumière (ce qui n'arriva que trois jours après), on retrouva au même endroit son corps entier, couvert de la même robe qu'il portait quand il mourut, et dans la posture plutôt d'un homme qui repose que d'un homme qui est mort. Pendant ce temps, ma mère et moi nous étions à Misène. Mais cela ne regarde plus votre histoire : vous ne voulez être informé que de la mort de mon oncle. Je finis donc, et je n'ajoute plus qu'un mot: c'est que je ne vous ai rien dit, ou que je n'aie vu ou que je n'aie appris, dans ces moments où la vérité de l'action qui vient de se passer n'a pu encore être altérée. C'est à vous de choisir ce qui vous paraîtra plus important. Il y a bien de la différence entre écrire une lettre, ou une histoire; entre écrire pour un ami, ou pour la postérité.  Adieu.

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A Tacite.

La lettre que je vous ai écrite sur la mort de mon oncle, dont vous aviez voulu être instruit, vous a, dites-vous, donné beaucoup d'envie de savoir quelles alarmes et quels dangers j'essuyai à Misène, où j'étais resté ; car c'est là que j'ai quitté mon histoire.
Quoiqu'au seul souvenir je sois saisi d'horreur, je commence.

Après que mon oncle fut parti, je continuai l'étude qui m'avait empêché de le suivre. Je pris le bain, je soupai, je me couchai, et dormis peu, et d'un sommeil fort interrompu. Pendant plusieurs jours, un tremblement de terre s'était fait sentir, et nous avait d'autant moins étonnés, que les bourgades et même les villes de la Campanie y sont fort sujettes. Il redoubla pendant cette nuit avec tant de violence, qu'on eût dit que tout était, non pas agité, mais renversé. Ma mère entra brusquement dans ma chambre, et trouva que je me levais, dans le dessein de l'éveiller, si elle eût été endormie. Nous nous asseyons dans la cour, qui ne sépare le bâtiment d'avec la mer que par un fort petit espace. Comme je n'avais que dix-huit ans, je ne sais si je dois appeler fermeté nu imprudence ce que je fis : je demandai [un ouvrage de] Tite-Live ; je me mis à le lire, et je continuai à l'extraire, ainsi que j'aurais pu faire dans le plus grand calme.
Un ami de mon oncle survint ; il était nouvellement arrivé d'Espagne pour le voir. Dès qu'il nous aperçoit, ma mère et moi, assis, moi un livre à la main, il nous reproche, à elle sa tranquillité, à moi ma confiance. Je n'en levai pas les yeux de dessus mon livre. Il était déjà sept heures du matin, et il ne paraissait encore qu'une lumière faible, comme une espèce de crépuscule. Alors les bâtiments furent ébranlés avec de si fortes secousses, qu'il n'y eut plus de sûreté à demeurer dans un lieu à la vérité découvert, mais fort étroit. Nous prenons le parti de quitter la ville : le peuple épouvanté nous suit en foule, nous presse, nous pousse ; et ce qui, dans la frayeur, tient lieu de prudence, chacun ne croit rien de plus sûr que ce qu'il voit faire aux autres. Après que nous fûmes sortis de la ville, nous nous arrêtons; et là, nouveaux prodiges, nouvelles frayeurs. Les voitures que nous avions emmenées avec nous étaient à tout moment si agitées, quoiqu'en pleine campagne, qu'on ne pouvait même, en les appuyant avec de grosses pierres, les arrêter en une place. La mer semblait se renverser sur elle-même, et être comme chassée du rivage par l'ébranlement de la terre. Le rivage en effet était devenu plus spacieux, et se trouvait rempli de différents poissons demeurés à sec sur le sable. A l'opposé, une nuée noire et horrible, crevée par des feux qui s'élançaient en serpentant, s'ouvrait, et laissait échapper de longues fusées semblables à des éclairs, mais qui étaient beaucoup plus grandes. Alors l'ami dont je viens de parler revint une seconde fois, et plus vivement, à la charge. « Si votre frère, si votre oncle est vivant, nous dit-il, il souhaite sans doute que vous vous sauviez ; et s'il est mort, il a souhaité que vous lui surviviez. Qu'attendez-vous donc? Pourquoi ne vous sauvez-vous pas? » Nous lui répondîmes que nous ne pouvions songer à notre sûreté, pendant que nous étions incertains du sort de mon oncle. L'Espagnol part sans tarder davantage, et cherche son salut dans une fuite précipitée.
Presque aussitôt la nuée tombe à terre, et couvre les mers ; elle dérobait à nos yeux l'île de Capri, qu'elle enveloppait, et nous faisait perdre de vue le promontoire de Misène. Ma mère me conjure, me presse, m'ordonne de me sauver, de quelque manière que ce soit; elle me remontre que cela est facile à mon  âge; et que pour elle, chargée d'années et d'embonpoint, elle ne le pouvait faire ; qu'elle mourrait contente, si elle n'était point cause de ma mort. Je lui déclare qu'il n'y avait point de salut pour moi qu'avec elle ; je lui prends la main, et je la force de m'accompagner : elle le fait avec peine, et se reproche de me retarder. La cendre commençait à tomber sur nous, quoiqu'en petite quantité. Je tourne la tête, et j'aperçois derrière nous une épaisse fumée qui nous suivait, en se répandant sur la terre comme un torrent. Pendant que nous voyons encore, quittons le grand chemin, dis-je à ma mère, de peur qu'en le suivant, la foule de ceux qui marchent sur nos pas ne nous étouffe dans les ténèbres. A peine étions-nous écartés, qu'elles augmentèrent de telle sorte, qu'on eût cru être, non pas dans une de ces nuits noires et sans lune, mais dans une chambre où toutes les lumières auraient été éteintes. Vous n'eussiez entendu que plaintes de femmes, que gémissements d'enfants, que cris d'hommes. L'un appelait son père, l'autre son fils, l'autre sa femme; ils ne se reconnaissent qu'à la voix. Celui-là déplorait son malheur, celui-ci le sort de ses proches. Il s'en trouvait à qui la crainte de la mort faisait invoquer la mort même. Plusieurs imploraient le secours des dieux ; plusieurs croyaient qu'il n'y en avait plus, et comptaient que cette nuit était la dernière et l'éternelle nuit, dans laquelle le monde devait être enseveli. On ne manquait pas même de gens qui augmentaient la crainte raisonnable et juste, par des terreurs imaginaires et chimériques. Ils disaient qu'à Misène ceci était tombé, que cela brûlait ; et la frayeur donnait du poids à leurs mensonges. Il parut une lueur qui nous annonçait, non le retour du jour, mais l'approche du feu qui nous menaçait; il s'arrêta pourtant loin de nous. L'obscurité revient, et la pluie de cendres recommence, et plus forte et plus épaisse. Nous étions réduits à nous lever de temps eu temps, pour secouer nos habits ; et, sans cela, elle nous eût accablés et engloutis. Je pourrais me vanter qu'au milieu de si affreux dangers, il ne m'échappa ni plainte, ni faiblesse; mais j'étais soutenu par cette consolation peu raisonnable, quoique naturelle à l'homme, de croire que tout l'univers périssait avec moi.
Enfin, cette épaisse et noire vapeur se dissipa peu à peu, et se perdit tout à fait, comme une fumée ou comme un nuage. Bientôt après parut le jour, et le soleil même, jaunâtre pourtant, et tel qu'il a coutume de luire dans une éclipse. Tout se montrait changé à nos yeux, troublés encore ; et nous ne trouvions rien qui ne fût caché sous des monceaux de cendre, comme sous de la neige. On retourne à Misène. Chacun s'y rétablit de son mieux : et nous y passons une nuit entre la crainte et l'espérance, mais où la crainte eut la meilleure part ; car le tremblement de terre continuait. On ne voyait que gens effrayés, entretenir leur crainte et celle des autres par de sinistres prédictions. Il ne nous vint pourtant aucune pensée de nous retirer, jusqu'à ce que nous eussions eu des nouvelles de mon oncle, quoique nous fussions encore dans l'attente d'un péril si effroyable, et que nous avions vu de si près. Vous ne lirez pas ceci pour l'écrire, car il ne mérite pas d'entrer dans votre histoire ; et vous n'imputerez qu'à vous-même, qui l'avez exigé, si vous n'y trouvez rien qui soit digne même d'une lettre.  Adieu.

 

mercredi 19 novembre 2014

Archéologie, kézako ?

Pour tout savoir en quelques minutes, sur les métiers et les facettes de l'archéologie :
http://www.universcience.tv/categorie-les-experts-de-l-archeologie-films-d-animation-557.html


Parce que notre savoir ne nous vient pas des seuls textes, et que philologie et archéologie sont complémentaires !

Bonne découverte.
B.D.

dimanche 2 novembre 2014

Des outils pour bien redémarrer

Après les blogs ludiques proposés pour les vacances, voici quelques liens utiles aux latinistes et hellénistes pour accéder à des fiches et documentaires.

- http://www.arretetonchar.fr/langue/ : fiche synthétique sur les 5 déclinaisons (et chanson pour les mémoriser, si si !) du LATIN ; fonctions et cas ; conjugaison de l'infectum LATIN ; prépositions du GREC et du LATIN ; fiches thématiques de vocabulaire LATIN et GREC et caetera et caetera...

- http://www.arretetonchar.fr/fiches-dexercices-latin-espagnol-espagnol-latin/ : fiches-jeu de vocabulaire croisé latin/espagnol. Très pratique !

- http://www.arretetonchar.fr/fiche-synthetique-le-cursus-honorum/ pour tout savoir sur le cursus honorum.

A vous de naviguer un peu et de découvrir par vous-même, sur ce site (arretetonchar.fr) des documents très variés, souvent amusant et pédagogiques, et sur tous sujets antiques.

Dans un autre registre, pour les plus mélomanes d'entre vous,
 http://www.dailymotion.com/video/xe0gxi_annie-belis-reecouter-la-musique-gr_music : une conférence de la spécialiste française de la musique grecque antique (un quart d'heure), passionnante !

Bon voyage en Antiquité !
B.D.