Le texte de la conférence n°1, très généreusement offert par Anastasia Painesi, qui nous a embarqués pour un voyage aux Enfers l'autre soir, est disponible ici même.
Bonne lecture ! Et merci encore à Anastasia.
B.D.
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L’Homme et l’Au-delà :
Pistes de réflexion sur l’iconographie des châtiments infligés
dans le Royaume d’Hadès
Je souhaiterais d’abord remercier M. Le Cor, Proviseur du Lycée, et M.
Maisonnial, Proviseur Adjoint, ainsi que votre professeur M. Dercy qui
m’ont invitée à vous parler aujourd’hui sur le châtiment divin antique, sujet
qui fait partie de ma thèse de doctorat.
La présente intervention portera notamment sur les préoccupations de
l’homme antique quant au destin de son âme après la mort, préoccupations qui
sont d’ailleurs aussi celles de l’homme actuel.
Je me référerai, d’abord, brièvement à la topographie du Royaume d’Hadès
et à ses habitants. Ensuite, je me focaliserai essentiellement sur les
châtiments infligés dans cet endroit, évoqués dans les textes littéraires et surtout
l’iconographie de l’époque classique. Enfin, je tâcherai de retracer de façon
succincte l’évolution au fil des siècles de ces motifs, qui ont fasciné auteurs
et artistes de l’Antiquité jusqu’à l’époque moderne.
Topographie du Royaume
d’Hadès
Durant l’Antiquité, le Royaume des Morts était sous l’exclusive juridiction
d’Hadès, fils de Cronos et de Rhéa, frère de Zeus et de Poséidon.
La topographie de son royaume était bien établie déjà depuis l’époque d’Homère
et d’Hésiode, vers le milieu du VIIIe siècle av. J.-C. Le domaine
est traversé par quatre fleuves, l’Achéron, le Pyriphlégéthon, le Styx et le
Cocyte. Il est entouré des bois (dits de Perséphone) comportant de saules et de
peupliers aux fruits morts, des marais créés par les eaux stagnantes des
rivières (Homère, L’Odyssée,
x.509-515), ainsi que d’autres endroits propres aussi au monde des vivants,
comme des prairies (le Pré de l’Asphodèle, xi.539). Malgré ses ressemblances
topographiques avec le monde des vivants, le Royaume des Morts est, selon
Homère, un endroit sombre et triste, dominé par une atmosphère de mélancolie
propre à l’état des âmes des morts (aussi bien des vertueux, que des hybristai, à savoir des personnes ayant
commis des démesures horribles envers les Olympiens et les lois établies par
eux). Ces âmes ne sont désormais que des ombres (σκιαί) avides de
sang. Enfin, l’Autre Monde est férocement protégé par Cerbère, le chien aux
trois têtes, qui empêche les entrées et les sorties non-autorisées (Hésiode, Théogonie, 767-773).
Une impression assez précise de l’image que les Grecs avaient du Royaume
d’Hadès devrait être représentée dans la Nekyia,
le tableau de Polygnotos de Thasos qui décorait, vers le milieu du Ve siècle
av. J.-C. (ca. 460 av. J.-C.), la
Lesché des Cnidiens à Delphes –un édifice qui servait de
point de rencontre des visiteurs du sanctuaire. La peinture, inspirée par la Minyade,
les poèmes d’Archiloque et surtout le onzième chant de l’Odyssée, est devenue elle-même un point de référence essentiel
aussi bien pour les auteurs, que pour les artistes postérieurs.
A part les figures des défunts, l’œuvre contenait, selon Pausanias (Pausanias,
X.28-31), qui l’a explicitement décrite (X.28-31), un grand nombre d’éléments
indicatifs de la topographie de l’Autre Monde, comme le fleuve Achéron plein de
poissons ternes et de roseaux (X.28.1), la barque de Charon (X.28.1-3), ainsi
que le bois de Perséphone situé sur une colline et semé de peupliers et de
saules (X.30.6). Les personnages représentés étaient inspirés de tous les
cycles mythiques (le Troyen, le Thébain, l’Orphique etc.) et conservaient leurs
attributs (vêtements, armes, animaux, instruments musicaux), éléments qui ont aidé
le Périégète à les reconnaître.
§
Actéon, un chasseur habile qui a osé comparer
ses compétences à celles d’Artémis, est représenté accompagné d’un cerf et un
chien (X.30.5). Ces animaux se réfèrent au châtiment d’Actéon pour son outrage
envers Artémis : la déesse l’transformé en cerf et l’a abandonné à la
fureur de ses propres limiers.
§
Orphée est facilement reconnu grâce à sa cithare
(X.30.6) et Marsyas grâce à sa flûte (X.30.9).
§
Callisto, une prêtresse d’Artémis qui, séduite
par Zeus, a rompu son vœu de chasteté, est représentée assise sur une peau
d’ourse (X.31.10), l’animal auquel Artémis l’a transformée pour la punir de son
hybris.
A part la peinture disparue de Polygnotos, le Royaume des Morts a inspiré
également les œuvres des céramistes de l’époque classique. Certaines peintures
de vases représentent la Nekyia d’Ulysse et
sont inspirées du texte homérique. L’influence de l’œuvre de Polygnotos sur ces
représentations est également possible, mais les trouvailles des fouilles et
les témoignages des textes antiques ne nous permettent pas de confirmer cette
théorie.
§
Pélikè attique à figures rouges, datée de 440
av. J.-C. et attribuée au Peintre de Lycaon (Boston, Museum of Fine
Arts 34.79). Ulysse et Elpénor.
§
Cratère lucanien daté de 400-390 av. J.-C. et
attribué au Peintre de Dolon (Paris, Cabinet des Médailles, 422).Evocation de
Tirésias par Ulysse.
Outre Athènes, les motifs
iconographiques représentant l’Autre Monde et les châtiments infernaux
apparaissent aussi de façon récurrente en Italie du Sud. Dans les compositions
italiotes, le Royaume des Morts est identifiable par des éléments picturaux
spécifiques, comme la représentation du palais d’Hadès et la présence du dieu
lui-même accompagné de Perséphone, mais aussi d’Hermès, de Cerbère et des
Erinyes.
§
Cratère
à volutes apulien du Peintre de l’Autre Monde, découvert à Canosa et daté de
320 av. J.-C. (Munich, Antikensammlung 3297)
(http://i551.photobucket.com/albums/ii459/history_of_macedonia/Sun%20of%20Vergina/greek_underworld.jpg)
Les châtiments
infernaux
Le onzième chant de l’Odyssée constitue en quelque sorte une Katabasis, à savoir une description de
la descente d’un héros vivant dans le Royaume des Morts afin d’accomplir des
exploits mythiques. Certes Ulysse n’est arrivé que jusqu’aux lisières du
domaine. Dans son cas, j’utilise le terme au sens large.
Parmi les dieux (Déméter et Dionysos) et les mortels qui ont pu franchir
les portes d’Hadès et effectuer ce trajet, les héros les plus célèbres sont :
a.
Ulysse qui cherchait le conseil de Tirésias pour son
retour à Ithaque (Homère, L’Odyssée,
xi) ;
b.
Orphée dans l’objectif de demander le retour de son
épouse Eurydice dans le monde des vivants. Selon Euripide (Alceste, 357-362), Orphée a réussi dans sa mission. En revanche, Platon
(Le Banquet, 179d) indique qu’il a
échoué car au lieu d’avoir le courage de mourir pour son amour, comme Alceste, il
s’est présenté devant Hadès vivant pour demander le retour de sa femme morte ;
c.
Peirithoos et Thésée visant à enlever Perséphone (Homère,
L’Odyssée, xi.630-631) ;
d.
Héraclès afin d’enlever Cerbère, dans le cadre de son
dernier exploit (Homère,
L’Odyssée,
xi.623-626). Durant ce même exploit, il a d’ailleurs pu libérer Thésée qui
avait été séquestré vivant dans le Royaume des Morts, suite à son attentat
échoué d’enlever l’épouse d’Hadès. Par contre, il était obligé d’abandonner Peirithoos
qui devait y demeurer à perpétuité)
;
Ces Katabases héroïques, ont
inspiré plusieurs auteurs anciens, tels Homère, Hésiode, Euripide et plus tard
Virgile et Apollodore, qui, évoquant ces exploits, se référaient aussi aux
personnages que les héros rencontraient, insistant notamment sur les figures
des hybristai. Certains de ces
personnages, coupables d’outrages envers les Olympiens lors de leur vivant,
avaient été condamnés à purger des peines atroces après leur mort. Les
châtiments infligés dans l’Autre Monde comprennent pour la plus grande partie
l’acte sans fin, à savoir une activité qui se répète perpétuellement de la même
façon sans parvenir jamais à s’achever.
Un exemple des plus caractéristiques de ce type de sanction est le
supplice de
Tantale condamné à la
faim et la soif éternelles car il avait cuit et servi son fils, Pélops, comme
repas aux Olympiens.
Tantale était
placé dans un lac, dont l’eau lui montait jusqu’au menton, mais quand il
essayait d’assouvir sa soif, l’eau était absorbée par la terre, qui devenait
sèche. De même, lorsqu’il essayait d’atteindre les fruits suspendus au-dessus
de sa tête, le vent les emportait loin de sa portée (Homère,
L’Odyssée, xi.582; Bacchylide, fr. 42;
Tzetzès,
Scholia in Lycophronem, 152)
[2]. Alcée (fr. 365)
, Alcman (fr. 79)
, Archiloque (fr. 126.14-15)
et Pindare (Olympiques, I.52-64)
rapportent dans leurs poèmes un supplice supplémentaire : Tantale aurait
dû passer l'éternité, un rocher placé en équilibre au-dessus de sa tête
menaçant de l’écraser à tout moment.
§ Cratère à volutes apulien du Peintre de
l’Autre Monde, découvert à Canosa et daté de 320 av. J.-C. (Munich,
Antikensammlung 3297).
Un autre supplice, concerne le géant
Tityos
qui a essayé de violer Létô, la mère d’Apollon et d’Artémis. Suite à son
comportement démesuré, il fut
précipité
dans le Royaume des Morts, où il était ligoté et où deux vautours dévoraient
son foie, qui repoussait chaque nuit grâce aux rayons de la lune (Pausanias,
X.29.3;
Lucrèce, De rerum natura, III.984-991)[3]. Ce supplice, semblable à celui de Prométhée,
n’a jamais connu la large diffusion en iconographie du châtiment de ce dernier
et apparaît, par conséquent, très rarement dans l’art antique.
Les Danaïdes, les princesses
d’Argos, qui ont tué leurs maris lors de leur nuit de noces suite à l’ordre de
leur père, Danaos, étaient condamnées à remplir à jamais un pithos
(tonneau) percé (Pseudo-Platon, Axiochos, 371e; Lucrèce, De rerum natura, III.1003-1010; Pausanias,
X.31.9).
§ Amphore apulienne proche du Peintre de la Patère, découverte à
Altamura et datée de 330-320 av. J.-C. (Taranto, Museo
Nazionale 76.010).
Ixion, qui a essayé de séduire
Héra pendant un banquet auquel il avait été invité par Zeus lui-même, a été
enchainé sur une roue en flammes qui tournait à perpétuité (Phérécyde, fr.
103a-b).
§
Amphore
à col du Graveur d’Ixion, découverte à Cumes et datée de 330-310 av. J.-C.
(Berlin, Staatliche Museen F 3023).
Oknos, un personnage mystérieux de la mythologie
grecque dont on ignore complètement la vie, la profession et la provenance,
passait l’éternité à tresser une corde qui était dévorée par un âne le moment
où le transgresseur mettait un terme à son travail. Selon certains
textes (Elien, De natura animalium, V.36.), il constitue une allégorie
de l’indolence. Selon d’autres sources, il a été châtié car il n’a pas su résister
aux exigences extravagantes de son épouse (Pausanias, X.29.1-2).
§
Lécythe
attique à figures noires, daté de 500-490 av. J.-C. (Palerme, Museo Regionale
2141 [996].
Sisyphe, le roi de
Corinthe, qui, de son vivant, avait plusieurs fois utilisé la ruse pour tromper
les dieux (Pausanias, X.31.10), fut condamné à pousser éternellement sur
une pente un immense rocher qui roulait
jusqu’à son point de départ une fois que le transgresseur était parvenu à le
transporter jusqu’au sommet.
§ Amphore à col à figures noires du Peintre de
Bucci datée de 520-500 av. J.-C. (Munich, Antikensammlung 1493).
Nous constatons que, dans la majorité des châtiments mentionnés
ci-dessus, un objet domine aussi bien dans l’évocation littéraire du mythe que
dans sa représentation artistique –le tonneau des Danaïdes, la roue d’Ixion, la
corde d’Oknos et le rocher de Sisyphe. Cet objet, identifié désormais avec un
appareil de torture, est devenu un point de référence essentiel quant à la
reconnaissance par le public des mythes figurés. Dans ces compositions –aussi
bien athéniennes qu’italiotes (c'est-à-dire celles venant de l’Italie du Sud)-,
les hybristai châtiés dans l’Autre
Monde sont dans la plupart des cas représentés nus. Il est possible que cette
nudité fasse allusion à leur faiblesse et leur vulnérabilité. Le manque d’habits
pourrait également indiquer leur défaite dans la lutte contre les Olympiens,
ainsi que l’impossibilité de se défendre dans leur situation actuelle.
Le caractère répétitif de ces supplices qui évoquent un acte inachevé a
été souvent associé par des philosophes grecs,
comme Platon (Platon,
Gorgias,
493b; Pseudo-Platon,
Axiochos, 371e)
, au destin des âmes des non-initiés
aux cultes mystiques, tels les Eleusiniens, les Orphiques ou les Dionysiaques,
et
symbolisait par conséquent l’échec de
cette initiation. Ainsi, les mythes se référant à des châtiments sans fin,
comme ceux évoqués plus haut, ont été intrinsèquement liés entre eux, créant un
thème générique subdivisé en plusieurs sous-motifs qui évoque le destin post mortem des non-initiés. Ce type de
perception collective des tortures ayant lieu dans le Royaume des Morts a
considérablement influencé la littérature et l’art de l’époque classique, non
seulement en Grèce Continentale mais aussi en Italie du Sud, où les cultes
chthoniens -à savoir associés aux divinités infernales- et mystiques étaient
très populaires.
Les premières représentations de
ces thèmes iconographiques datent du VIe siècle av. J.-C. et sont
probablement inspirées de traditions plus anciennes sur le destin de l’âme
après la mort. L’établissement d’une iconographie fixe de châtiments infernaux
(Danaïdes, Oknos, Ixion, Sisyphe) figurés soit séparément soit dans le cadre de
représentations collectives du Royaume d’Hadès, a conduit à la popularité de
ces motifs auprès des artistes qui ont su les adapter aux mythes et aux
traditions du public auquel ils s’adressaient. Nous rencontrons cette pratique d’adaptation
notamment en Italie du Sud, où les scènes figurées des supplices infernaux ont
été considérablement influencées par la teneur chthonienne ajoutée à ces mythes
dans cette région, indiquée par l’omniprésence de serpents et des Erinyes dans
les représentations. Il est possible que cette prédilection soit due à
l’immense popularité que le théâtre attique a connue parmi les peuples italiotes
qui assistaient régulièrement aux représentations des drames d’Eschyle, de
Sophocle et surtout d’Euripide qui se réfèrent fréquemment aux châtiments de
ces hybristai.
Je terminerai cette présentation
par une référence à l’évolution de ces motifs iconographiques à partir de
l’époque romaine et jusqu’à la
Renaissance.
La tendance des peuples de
l’Italie du Sud à se tourner vers les cultes mystiques a considérablement
influencé les artistes romains, qui ont associé les châtiments infernaux à la
purification de l’âme après la mort par le biais du supplice ou de la
récompense. Les tortures des Danaïdes, d’Oknos, d’Ixion, de Sisyphe et de
Tantale apparaissent très souvent dans l’art funéraire romain –sur des reliefs,
des autels, des urnes cinéraires et des peintures murales décorant des tombes-
liées à l’idée de la rédemption par le supplice qui était très populaire
auprès des Romains[8].
§ Exception: Représentation des
châtiments
des
Danaïdes, de Sisyphe et de Tityos dans un contexte
non-funéraire.
Peinture murale
de
la Maison
de l’Esquilin à Rome, datée de 30 av.
J.-C., (Vatican, Bibliotheca
Apostolica Vaticana s. n. Inv.).
Enfin, vers la fin de
l’Antiquité, lorsque les cultes et traditions antiques étaient désormais en
crise, les châtiments des hybristai
punis dans le Royaume d’Hadès ont maintenu quelque chose de leur popularité
antérieure intégrant la tendance généralisée notée à l’époque d’introduire
certains thèmes antiques dans un contexte moralisateur (qui édifiait les
lecteurs quant au comportement approprié à assumer conforme aux principes
chrétiens)
. Au début du Moyen Age,
nombre d’auteurs de textes moralisants ont inclus les supplices infernaux dans
leurs œuvres comme allégories des péchés capitaux chrétiens
. Ainsi,
les Danaïdes symbolisaient-elles la gourmandise, Ixion était identifié avec la
débauche, Sisyphe s’est transformé en allégorie de l’orgueil, Tityos est devenu
la personnification de la lubricité, Oknos symbolisait l’oisiveté et Tantale
était associé à la cupidité et l’avarice
.
L’évocation de ces thèmes dans la littérature médiévale, ainsi qu’un
certain nombre de traductions de textes antiques publiées en Europe à partir du
XIV
e siècle ont contribué à la diffusion et à l’intégration de
certains de ces mythes au répertoire iconographique des artistes modernes, qui
ont adapté les motifs antiques aux nouvelles conditions politiques, sociales et
religieuses.
§ Le Titien, Sisyphe, 1549. Madrid, Museo Nacional del Prado 426.
Sisyphe figurait parmi les Grands
Hybristai, une série de quatre tableaux représentant Ixion, Tantale,
Sisyphe et Tityos, commandés au Titien par Marie de Hongrie, sœur de Charles Quint, en 1548 pour la
décoration de son palais à Binche (actuellement en Belgique, en région Wallonne
à l’Ouest du pays). Sisyphe est représenté pliant sous la charge, contrairement
à la tradition antique, selon laquelle le héros roulait la pierre jusqu’au
sommet de la pente. Selon une interprétation, les peintures commandées par
Marie de Hongrie étaient investies d’un sens symbolique, visant à mettre en
valeur la force de la famille des Habsbourg, à laquelle la reine appartenait,
et le destin funeste de ses adversaires, tels les Turcs, les Protestants et les
Français.
En 1555, les quatre œuvres ont été transférées par le roi Philippe II au
Palais Alcázar de Madrid et placées
dans la Pieza de las Furias (
La Salle d’Hadès) ou
Pieza de los Condenados (
La Salle des Damnés)
. Les
peintures auraient, alors, constitué une claire allusion au sort réservé aux
ennemis du roi, une menace dissimulée, adressée aux ambassadeurs étrangers que
Philippe II recevait dans cette salle.
Des quatre toiles, seules celles représentant Sisyphe et Tityos sont
conservées et actuellement exposées au Prado (Madrid, Museo Nacional del Prado
426
, 427
).
Les tableaux représentant Ixion et Tantale étaient détruits lors d’un incendie en
1734.
*****
Nous constatons que les mythes évoquant les
châtiments infligés dans le Royaume d’Hadès ont connu plusieurs versions et
étaient largement diffusés tout au long de l’Antiquité, aussi bien en Grèce
qu’en Italie. A partir du Moyen Age, ils ont été souvent repris et
réinterprétés, adaptés aux principes et à l’idéologie de la société qui les
adoptait. La pérennité de ces mythes ne constitue qu’un exemple parmi d’autres
d’une Grèce antique intemporelle, dont le répertoire inépuisable d’images et de
récits nourrit jusqu’à nos jours notre culture européenne contemporaine.
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LOPEZ-TORRIJOS, R., La mitología en la pintura española del
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PANOFSKY,
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[2]Cantarella
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